J’ai avalé mon histoire comme j’ai mangé la tienne, Poète, Sculpteur ou Peintre d’éternité au présent… Quel repas, dis-tu, avons-nous partagé ? À quand, et avec qui , le prochain ? On verra... On lira ... | Marie-Thérèse PEYRIN - Janvier 2015

Angèle PAOLI

ETAT DE LA VOIX | Juin 2022| Ecouter Bruno Podalydès et/ou Liliane Giraudon| en regardant (sans son) Marina Abramović et Ulay | Juin 2022

D'une voix à l'autre... D'un regard à l'autre...

D'un corps à l'autre...

Source : Maison de la Poésie  :

1|Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos « Un homme n’est pas tout à fait un homme, ni une femme tout à fait une femme. Les sexes ne sont pas des camps, ni des rives opposées. Les sexes passent l’un au travers de l’autre dans une nuit où les corps échappent aux attributs censés répartir les forces, les symboles, les fonctions ou les rôles. Dans La Nuit des rois, Shakespeare célèbre la nuit carnavalesque des grands retournements. Toutes les évidences tombent. Surgissent d’autres vérités dont l’éclat trouble les miroirs. Hantise des puritains : que tout se réunisse, se mêle, se confonde, s’inverse. » Denis Podalydès

2|Source Jean-Paul HIRCH : Liliane Giraudon Polyphonie Penthésilée - éditions P.O.L - où Liliane Giraudon tente de dire de quoi et comment est composé son nouveau livre "Polyphonie Penthésilée" et où il est notamment question de poésie et de prose, de politique et de genre, de "Romances sans paroles" de Paul Verlaine et d’Arthur Rimbaud, du corps des femmes et d'écriture, de Nanni Balestrini et de téléphone, d'amazones et de cancer du sein, d'Anni Albers et d’Afghanistan, du Poème et de dessins, de Jean-Jacques Viton et de Henri Deluy, à l’occasion de la parution aux éditions P.O.L de "Polyphonie Penthésilée", à Paris le 18 novembre 2021 "elles guerroient les amazones dans leurs petites armures peintes"

        Source TdF Angèle PAOLI  : Polyphonie Penthésilée

3|Source MAC Lyon : En 1986, le Musée d’art contemporain de Lyon invite les pionniers de la performance que sont Marina Abramović et Frank Uwe Laysiepen, dit Ulay. C’est l’opportunité pour les deux artistes de montrer et achever le cycle de performances par lequel ils se font particulièrement remarquer et connaissent une reconnaissance internationale : Nightsea Crossing. 

 

        Source : AMELIE MAISON D'ART  galerie d'aujourd'hui

En 2010, Marina Abramović est au coeur d’une importante rétrospective que lui consacre le MoMa à New York. C’est l’occasion pour elle d’imaginer et de créer une nouvelle performance solitaire intitulée The Artist is present. Immobile, assise à une table et Marina Abramović invite le public à s'asseoir face à elle et à soutenir son regard. L’artiste reste assise 736 heures et 30 minutes, un exploit d’endurance physique et mentale. Voyant passer devant elle près de 750 000 personnes, elle demeure impassible tout au long de la performance, jusqu’à ce que son grand amour de jeunesse, Ulay, qu’elle n’a pas vu depuis plus de vingt ans, prenne place face à elle… En pleurs mais obligés de garder le silence, ils ne peuvent s’empêcher de se rapprocher pour se tenir les mains, mettant quelques instants la performance de côté. Un moment d’émotion intense, où l’imprévu de la vie prend le dessus sur la performance artistique. Peut-être l’un des instants les plus émouvants de l’histoire de l’art contemporain et conceptuel. Voici la vidéo, on vous laisse juger par vous-mêmes :

 


ETAT DES YEUX | Avril 2022 | Denise DESAUTELS, l'angle noir de la joie,une improbable rédemption

 

Pour mon Amie Angèle PAOLI et quelques autres

 

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Les poètes femmes accèdent au goutte à goutte aux collections prestigieuses de Poésie- Gallimard, elles se comptent sur les doigts de quelques mains, le retard est considérable. La sensibilité aux défis de la vie y gagne en simplicité, en courage ordinaire et en innovations cruciales dans l'énoncé.

Denise DESAUTELS que je viens de redécouvrir est l'une d'entre elles. Ce qui me frappe le plus consiste dans le fait que les mots de chaque poème semblent se superposer très exactement aux mots que j'ai envie d'utiliser lorsque j'écris. Quant aux thématiques et aux circonstances, c'est la même chose. Une sororité se révèle , elle est à la fois mystérieuse et évidente. "Ecrire dans un corps de femme" comme je le souligne ici, est une nécessité à une époque où l'indifférenciation cherche à se substituer au clivage de genre. A chaque génération la question se pose à nouveau, mais la condition sexuée engendre aujourd'hui avec #Me Too des effets prévalents dont se nourrissent les faits divers et les médias avides de révélations consommables. Rien ne se perd dans la contradiction.

La poésie est sans doute ce qui me rapproche le plus de l'intimité d'une conscience d'appartenance à une frange d'humanité. Je sais désormais que la poésie ne sauve pas le monde, n'assagit pas les pulsions récurrentes de prédation , elle est labile et infidèle, donne raison au dernier lu sans vérification ou le congédie sans sommation, au mieux elle soulage certaines consciences ensanglantées en légitimant le non passage à l'acte ou les endort si la force d'aimer mieux et de pardonner semble inatteignables. Tout est provisoire, tout est remis en question par chaque individu, entre isolement et instinct grégaire, mais le désir qui revient a besoin de s'incarner dans une vérité qui peine à se faire entendre. La mélancolie vient de là j'imagine... Et je sens qu'elle s'approfondit avec les années de vie et de lecture. L'ennui lui fait escorte, car il n'est pas anodin de supporter que les mêmes causes puissent avoir les mêmes effets et qu'on fasse semblant de redécouvrir que l'eau chaude reste liée au combustible auquel on la soumet. Tout nous ramène aux gestes de survie des premières créatures terrestres cérébralement mieux dotées, la force physique instaurant le distingo et la loi du plus fort, la ruse réinventant l'esquive.

 

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... écoutons Denise  DESAUTELS.

 

imaginons l'autoportrait

un rideau qu'on tire, translucide

pour atténuer - oh à peine

nos fraudes

de famille, d'état

nos petits assassinats aussi

machinalement

en croix, massés

sous une gaine où il fait chaud

 

en attendant, on fabrique du néant doux

 

un peu d'anthracite ou de blanc, s'il vous plaît

autour d'une improbable rédemption

 

*

à la fin on n'a plus peur

on les regarde de près

l'enfant endormi et

plusieurs étoiles malades accolées à la terre

 

sans bien comprendre pourquoi

absolument nécessaire

la souffrance flambe dans un fouillis de bras

 

nous avançons, manière Marina Abramović

le corps tout charbon, penché

son squelette posé sur son dos, son double

grandeur nature

fragile armature d'os

châle d'été, on dirait

 

*

 

Quand tout est froissé, que deviennent

l'ombre des phrases et leur surdité de guerre.

Où suis-je - temporairement même - dans cet

       espace chauve

Que faire après. En attendant.

 

C'est fou, la chose barbare, la bête

qui se profile ferme courant rampant

sa nuque vers quelque part, ses bras plombés

 

*

 

    L'utopie est nue. Détrônée. Plus rien ne remue

sous une brousse d'appels. Viens. Vois. Touche têtu

vacarme. L'inutile trou à nos poitrines. Un livre

entier pour espérer. Du noir doux dans les phrases. Des

gorges libres. Des pulsions pensantes. Une marée

d'oeuvres de langues qu'on ne ravale plus. Et le vio-

let de l'encre coude ou poing se lève. Dit coeur absolu

dit j'aime. De survivances diverses dit pense vibre

vertige infini.

    Bibliothèque n'est pas obus n'est pas mausolée

    Devant  derrière des frontières inaudibles. Des

nous autrui humanité irradient rebelles. Et le violet

répète pense vibre vertige infini. Et son poids de

matins aux fenêtres.

 

Nous mentons presque plus.

Nous ne nous mentons presque plus.

 

 

 

 

 

 

 

 


ETAT DES YEUX | 13 Juin 2021| Une bibliothèque numérique brûle | HOMMAGE | Yves THOMAS

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Hommage à l’Ami Yves THOMAS 

web-éditeur du Site Terres de Femmes

Notre tristesse est immense, Yves est parti trop tôt. Il était à bout de forces... ne trouvait plus son souffle... Les soignants Marseillais et sa famille ont accompagné ses dernières semaines d’angoisse et de souffrance. Il est parti triste mais paisible veillé et choyé par son épouse Angèle Paoli - Thomas.

Une maladie sournoise, s’est révélée... progressivement, implacablement, invalidante. Des années de courage ont été nécessaires pour affronter au quotidien les limitations physiques, surmontées d’une tête savante et parfaitement intacte. Yves a eu la volonté de donner du sens à sa vie au sein d’un couple solidaire et pittoresque. 54 ans de vie commune depuis les années lycée représentent un itinéraire aussi somptueux et dentelé que les côtes insulaires de l’Ile de Beauté. Trois enfants charmants : deux filles, un garçon sont nés de leur union et leur ont donné une descendance ravissante. La vie ordinaire direz-vous, mais pas que ... Yves a bâti leur bonheur avec détermination et une créativité cérébrale incessante. Ses conversations étaient passionnantes et son humour vigoureux. Bien des anecdotes pourraient en attester.

Mon Amie Angèle l’a présenté un jour comme suit pour un blog de voisinage littéraire :

« Ancien directeur d’édition des encyclopédies Bordas et d’Encarta France (Microsoft), formé à la réflexion encyclopédique et aux outils qui lui sont propres, Yves a mis son savoir et son savoir-faire à l’élaboration complexe de Terres de femmes. Il a assuré jusqu’à récemment, la maintenance éditoriale de la revue : vérification des liens, internes/liens-corrélats externes ; actualisation des anciennes notes et de leur apparat critique, mise à jour des nombreux index, sous-index, répertoires, bibliographies »  C’est également lui qui a assuré la préparation de copie (notamment typographique) et l’encodage des textes et leur mise en ligne sur Terres de Femmes.

S’adjoignant les compétences d’un ami photographe Corse Guidu Antonietti di Cinarca à partir d’une charte graphique et typographique élaborée au moment de la conception de la revue. Terres de femmes nécessite entre 6 et 8 heures de travail quotidien par personne. Cette entreprise, ne bénéficie ni de subventions ni de sponsors [...].

Pour moi et mon compagnon, il était ...

Homme brillant, érudit et courtois, qui a su s’effacer pour laisser place à l’admiration qu’il avait pour le talent littéraire de sa compagne, mon Amie, Angèle PAOLI. Dans l’ombre et au fil de sa bienveillance, il l’a encouragée et propulsée vers le métier d’écriture, qu’elle a pu déployer pleinement après une carrière complète d’enseignante à Amiens.

Tous deux retraités se sont  installés en Haute-Corse dans la maison ancestrale d’Angèle,

Terres de Femmes et la Corse sont en deuil et attendent la cérémonie religieuse d’adieu au seuil du tombeau familial qui adoptera Yves le continental d’origine bretonne tombé amoureux d’une fille aux cheveux noirs.

Salut Yves, t’avoir connu est une chance. J’aurais aimé en savoir plus mais la vie ne rassemble pas toujours ceux et celles qui ont pourtant des choses à se dire. Je me souviendrai de tes regards, de tes silences et de cette élégance d’homme du monde qui te mettait à l’aise avec n’importe qui. Homme d’accueil, homme d’exigence et de labeur, mélomane, lecteur d’exception et homme de goût pour les objets d’art qui te faisaient devenir intarissable sur leur histoire et leur provenance... ta fierté de vivre et de lire dans un moulin corse...

Salut Yves ! Tu marches déjà au-dessus des nuages sans canne et sans crainte... Je t’embrasse en riant. Mais ta mort est un scandale inutile... l'été aurait dû être vivant ... 

 

Marie-Thé & René derrière mes épaules

( Nous aussi , un couple lycéen )

 


L’ Ange mécontent

 

Ange mécontent  Piazzole

 

Pour Angèle & Yves en pensant à Winfried

 

L’ANGE MÉCONTENT

 

Je n’imaginais pas jusqu’ici qu’il pouvait exister. Je n’imaginais pas avant de le rencontrer dans un livre sur les menuiseries traditionnelles en corse de Joseph ORSINI. Il a été  sculpté et peint sur la porte de l’église Anunziata à Piazzole (Orezza) mais la reproduction de son visage me semble trop enfantine et boudeuse pour paraître d’origine. Ange atypique et mystérieux. D’autres photos du livre pourtant, semblent attester le passage d’artiste (un ou plusieurs ?) plutôt facétieux et peu soucieux des proportions, ou des perspectives du dessin. Imagerie religieuse  artisanale et dévote créée par un villageois inspiré ? On ne serait pas étonnés  de  retrouver ces évocations figuratives dans un Musée d’Art Naïf du continent.  Il aurait fallu pour cela que quelqu’un se soit avisé de démonter les portes pour leur faire franchir la Méditerranée. Mais contrairement aux légendes, on ne déplace pas aussi facilement un ange mécontent. Celui-ci semble avoir perdu ses ailes, et l’on n’est même pas certains qu’il s’agisse d’un ange. Il semble sorti d’une forêt d’arbres-champignons hallucinogènes, il s’éternise tristement à guetter la  venue de paroissiens qu’on ne voit pas dans le livre. Le bois peint est sec, écaillé et blanchi par les intempéries et l’oubli des hommes. Cela peut expliquer aujourd’hui sa mauvaise humeur et ses yeux  de plus en plus réprobateurs.  Comment comprendre et consoler un ange mécontent ? J’attends peut-être une réponse d’ébéniste, d’historien, de sociologue ou d’artiste contemporain, la réponse ecclésiastique me semblant obsolète. Les anges contemporains s’ils existent, disent presque tous : Chut ! Ils sont, un jour ou l’autre, licenciés économiques, propulsés dans la Télé-Réalité en CDD, sauf les plus coriaces qui se maintiennent dans le haut de la hiérarchie sociale, que Régis Debray appelle parfois les médias incarnés par les porteurs de messages non divins. L’ange mécontent a bien raison de rester là où il est. Les dégâts sont suffisants. Mais que la Corse est belle dans ses ruines pieuses de montagne protégées par la mémoire de la mer !


Il y a tellement de choses à dire... écrit-elle !

 

 

 

Vole entre les deux

mondes             en visite

dans le volume

 

Surprends-les avec

un roseau qui tremble tant

qu'aucune lettre ne peut

coexister 

             peau contre peau

sans se détruire

[...]

           ici plutôt que lors et

          à présent plutôt que là


sans préjuger de la direction

qui l'accomplira

 

 

Régine DETAMBEL, Entre les deux mondes[Extrait], dans  pas d'ici pas d'ailleurs,

Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines,

Présentation et choix : Sabine Huynh, Andrée Lacelle, Angèle Paoli, Aurélie Tourniaire,

Préface : Déborah Heissler,  VOIX D'ENCRE , p.291.

 

OISEAUX BLANCS DANS LES HERBES NEPAL ELODIE

Une carte qui vient du Népal. Elle a mis beaucoup de temps pour arriver jusqu'ici. Elle me parvient le même jour que celle de Nouvelle-Calédonie, qui elle, s'est perdue depuis l'été. Les périples sont des manières de relire le lien des épistoliers en l'exilant par rapport aux contingences et à la temporalité habituelle. L'échelle des signes vivants s'en trouve rehaussée... Elle me donne des nouvelles, lui m'en demande de si loin... Ce sont des êtres qui comptent, pour cela,  j'en rends compte, dans ce moment d'écriture qui n'était pas du tout prévisible en me levant hier matin. Bouffées de tendresse et de gratitude pour les mouvements d'écriture qui accompagnent des pensées dont je recueille le nectar.   J'aime finalement rester immobile dans ma ville, et que les autres voyagent pour moi, qu'ils en rapportent leurs différences, leur rapport particulier à la vie, hors-frontières familières. Je réalise encore que je n'aime pas partir, pas quitter, pas changer de repères dans ma vie...  Je ne tombe même pas des nues en constatant que je préfère retrouver, accueillir et choyer, ceux qui viennent d'ailleurs, ceux qui ont eu le cran de passer des douanes , des mesquineries , des herses de protectionnisme étatique ou ethnique, des crapuleries de taxation du transit, ceux qui ont exporté leurs mots, afin d'éprouver leur langue maternelle dans un hors-champ du sens. Réduisant volontairement les possibilités de compréhension et partant,  et la facilité passée d'insertion instantanée. Je les admire, mais je ne les jalouse pas. Je n'ai que le regret de ne pas pouvoir utiliser plusieurs langues pour exprimer ce que  cette humanité ambulante m'inspire. Reste qu'Ulysse ou Pénélope auront fait le même voyage l'un vers l'autre, l'une vers celui qui ose s'aventurer et rebrousser chemin avec le sentiment de ne pas pouvoir rapporter l'univers dans sa besace ou sous son crâne. Je lis les mots en souriant. Des visages et des voix surgissent au milieu de mes phrases. Je me sens très bien accompagnée et disponible au rêve et aux flottements de mes perceptions mnésiques. C'est un état second mais primordial. Il s'enracine dans  une expérience de dialogue dont je mesure le privilège au fil du temps. Il est rare de sentir aussi fort la présence qui parle malgré l'absence physique. Et c'est un vrai réconfort, une source de joie vive. Il y a tellement de choses qu'on ne sait pas dire... et simplement. 

Mth P.

 

Lettre de Nouméa  C.J.


Les faneuses de Françoise ASCAL, dans Lignées

 

Lignées, Françoise ASCAL dessins de Gérard TITUS-CARMEL Lignées, Françoise ASCAL dessins de Gérard TITUS-CARMEL

 

Très beau recueil que j'ai trouvé dans la librairie POINT D' ENCRAGE 73, Rue Marietton LYON 9° ( VAISE) où la collection est bien présentée  par Emmanuel et Anne-Françoise .  Retrouver l'écriture de Françoise ASCAL me réjouit et sa collaboration avec Gérard TITUS-CARMEL est très réussie. Les "paysages" du livre sont ceux de nos pensées mémorielles... Témoins les mots de cet extrait dont la tonalité métaphorique est un ravissement pour mes sens et mon esprit :

  Les causeuses italiennes pub détournée

    Photo publicitaire trouvée dans un magazine


"Les faneuses de juillet avancent sous mon crâne.

Elles m'éraflent de leurs râteaux de bois à double

dents. Leurs chapeaux de paille pourrissent au loin.

Elles ont toujours soif. Je dois répondre à leur appel,

essuyer encore et encore la sueur qui tombe de leur

front. Leurs faces ne laissent pas d'empreintes sur

le linge que je leur tends. Leurs pieds meurtris

saignent. Elles n'ont pas de noms. Juste des tabliers

dont je suis l'unique héritière. Les lichens ont rongé

les pierres tombales, effacé les dates. L'excès de lumière les

aveugle. Elles rêvent de se jeter nues dans la rivière.

Je dois courir vers le puits, écouter encore et encore

le chant de la poulie qui se fige. Pas la moindre

goutte d'eau au fond de mon seau. Cette nuit encore,

les faneuses ne trouveront pas le sommeil."

 

Françoise ASCAL, Lignées, dessins de Gérard TITUS-CARMEL, Ecri(peind)re AENCRAGES & CO, 2012.

 

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Pour vous donner envie d'aller à la rencontre de ce livre :

Lignées de Françoise  Ascal  lecture par Angèle PAOLI sur le Site Terres de Femmes